Toutes des flappers

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Thank god it’s Friday ! Louise rentre du travail complètement crevée. Le voisin du dessous répète Stardust au piano, ça la berce, elle s’endort, rêve qu’elle est Joséphine Baker. Du coup elle se réveille en plein forme, 9 h, grand dieux il est plus que temps de se préparer ! Elle se rafraîchit, grignote un morceau et hop, les bas, hop la petite robe noire, hop le sautoir, un coup de peigne dans les cheveux – c’est vraiment pratique court comme ça. Hop, un pschitt de Shalimar, les yeux charbonneux, les lèvres carmin, elle enfile ses petits talons, vérifie que ses cigarettes sont bien dans son sac, la voilà prête à danser toute la nuit.

A l’entrée du club, Marty, comme à son habitude, la complimente sur sa tenue. T’es chou Marty. Cette moiteur à l’intérieur ! La fête bat son plein, à travers les volutes de fumée elle distingue Lola qui rebondit frénétiquement sur le dance-floor. Bon, avant tout, accorder sa température intérieure à la chaleur ambiante. Il lui suffit d’un regard, Franck derrière son bar sait ce qu’il lui faut. Un clin d’œil, un verre, cul sec, c’est parti. A côté d’elle il y a un type qui ne la quitte pas des yeux. Elle fait celle qui ne voit rien mais elle sait. Quand leurs regards se croisent il lui fait un grand, très grand sourire. Très bien. La soirée s’annonce prometteuse. Comment vous appelez-vous jeune homme ? Vous dansez ?

Louise aurait pu être ma pote, et la vôtre aussi, sans doute. Sauf que Louise on ne la croise que dans les clubs du New-York des années 20. C’est une femme émancipée des années folles, une de ces flappers qu’en France on appelle “garçonnes “. Elle a envoyé valser son corset étouffant et se contente de se bander la poitrine, elle trouve ça plus joli, et plus pratique aussi pour danser. L’ourlet de ses robes remonte au-dessus de ses genoux, so shocking disent ses parents. Tu ressembles à une fille de mauvaise vie lui reprochent-ils, avec ces lèvres peintes, ces cigarettes, ces bras nus. Tu nous fais honte, avec tes cheveux courts les voisins pendant que tu fricotes avec les filles. Mais elle s’en fiche, Louise. Elle travaille, elle gagne sa vie, elle est indépendante – à quelque chose malheur est bon, avec les gars qu’étaient tous à la guerre, fallait bien que les femmes continuent à faire tourner la grande machine non ? Alors maintenant elle décide pour elle, elle fait ce qu’elle veut de son argent, de ses soirées, de ses cheveux, et de ses fesses. Et puis même, ça lui plaît des les mettre en rage tous ces vieux schnocks, avec leur morale à deux balles, leurs conventions. Si elles les écoutait elle ne pourrait même plus faire de vélo. Le vent dans les cheveux, la liberté, tout ça, ce serait terminé. Jamais ! Qu’ils aillent au diable !

Malheureusement après le crash de Wall Street, la misère et le retour de l’ordre moral ont obligé Louise a remiser ses jolies robes au placard. Lola est retournée dans son bled, là où la loi dit qu’elle n’a pas le droit de porter des jupes qui font plus de 7,5 cm au-dessus des chevilles, et où les filles aux cheveux courts se font renvoyer de l’usine. Mais je suis sûre que sans elles, sans Louise, sans Lola, sans Coco, sans Joséphine et les autres, je ne pourrais pas, aujourd’hui, faire ce que je veux de mon argent, de mes soirées, de mes cheveux ni de mes fesses.

Merci les pionnières, je trinquerai et je danserai à votre mémoire.

 

Par Asha Meralli.

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