« Tout sauf être quotidienne ! »
Lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Elle s’appelle Alice, elle est jeune, blonde, adorable, fille unique de parents crémiers et sa vie sans couleur dans sa bourgade d’Eure et Loir ne lui suffit plus : elle veut être poétesse ! Qui donc lui a soufflé cette drôle de vocation ? Jean—Paul Sartre, son idole ! Et puis il y a cette voix chaude, séduisante, américaine, venue de nulle part, qui lui susurre des mots d’amour… A elle, qui rêve tout mais ne connaît rien… ! N’en déplaise à son Papa « presque Résistant », à sa Maman à la voix de crécelle et à son lapin blanc : elle montera à Paris !
Ainsi commence l’histoire : à l’instar de Dorothy qui quitte un Kansas sépia pour un au-delà de l’arc-en-ciel en technicolor, Alice quitte le gris de la crémerie pour le monde bigarré des existentialistes… Et plonge dans un tourbillon d’aventures : du Café de Flore au Tabou en passant par les plateaux de cinéma, de Sartre à Greco et Vian en passant par un méchant maior, de fêtes en farces en passant par des combines louches… Le tout avec un constant parfum de romance dans l’air… Que les événements soient bons ou mauvais, Alice les traverse avec optimisme, accrochée à son nouveau mantra : « Tout sauf être quotidienne ! »
Julietre Greco et Miles Davis 
Boris Vian
Une fantaisie à Saint-Germain
Toutes ces péripéties – et bien plus encore ! – tiennent en 1h20, rythmée par des titres de Vian, Greco, Miles Davis… Autant dire que la bande-son ravira les amateurs de caves peuplées de Zazous déchaînés. Sur le fonds, réalité et fiction s’entrechoquent. Pas de vocation historique, ni pédagogique dans cette pièce : Saint-Germain-des-Prés est dépeint dans toutes ses dimensions fantasmées, et finalement, c’est sa légende qui domine. Si le propos est simple, peut-être un peu mièvre à certains moments, on revit le bouillonnement artistique et intellectuel du quartier et l’effervescence franco-américaine. En un mot, on se laisse volontiers entraîner par cette pièce joyeuse, positive, légère… anti-quotidienne.
Une soirée au Tabou 
Un Zazou dansant
Signé par la metteuse en scène Frédérique Lazarini, « À Saint-Germain des Prés » est portée par une troupe de cinq chanteurs et comédiens – Michel Baladi, Maryvette Lair, Didier Lesour, Jhos Lecan et Messaline Paillet… qui en paraissent dix, tan l’énergie qu’ils déploient pour interpréter la riche galerie de personnages est communicative !
Le tout se tient dans le charmant Théâtre de Passy – dont je vous ai déjà parlé ici – ouvert en 2021 après trente-six ans de sommeil, au cours desquels le lieu, à l’origine cinéma, avait perdu sa fonction culturelle. Prenez donc place dans cet écrin Art Déco pour vous envoler avec Alice vers Saint-Germain-des-Prés, ce paradis du Jazz oú il n’y a plus d’après, plus d’après-demain, plus d’après-midi… oú il n’y a qu’aujourd’hui.
Pour en savoir plus :
Leave a Reply