Femmes pionnières, femmes nouvelles : visite de l’exposition « Pionnières – artistes dans le Paris des années folles »

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Femmes pionnières, femmes nouvelles : visite de l’exposition « Pionnières – artistes dans le Paris des années folles »

Elles s’appellent Marie Vassilief, Marie Laurencin, Germaine Dulac, Irène Codreano, Marcelle Cahn, Sonia Delaunay, Stefania Lazarska, Marlow Moss, Suzanne Valandon, Tamara de Lempicka, Mela Muter, Romaine Brook, Lucie Cousturier, Tarsila Do Amaral, Amrita Sher-Gil… Elles sont bien plus nombreuses encore. Beaucoup de ces noms ne vous évoquent peut-être rien, et pourtant, ces femmes ont contribué largement à l’art moderne des années 1920-1930. Le Musée du Luxembourg rend hommage à ces artistes pionnière dans son exposition du moment. Une riche rétrospective de leur travail et de sa diversité.

Conquérantes

Portrait de Daria Gamsaragan, 1926, Irène Codreano

Avec son atmosphère de fête, son explosion créatrice et son dynamisme économique et technique, la période de l’Entre-Deux guerres a vu éclore la modernité artistique. Au cœur de cette ébullition, Paris est un îlot de liberté qui attire des artistes du monde entier, poussés à l’exil vers l’Europe par la Révolution de 1917, le découpage territorial découlant du Traité de Versailles ou encore, la Prohibition et le racisme aux Etats Unis. Montmartre et le Quartier Latin sont les poumons des avant-gardes. Dans cette vitalité créatrice parisienne, les femmes artistes trouvent un terreau propice pour conquérir leur place et apporter leur contribution aux transformations artistiques à l’œuvre.

Les années 1920 donnent ainsi la parole aux femmes artistes, qui n’étaient jusqu’alors pas visibles, n’ayant qu’un accès difficile aux formations artistiques, au marché de l’art et aux collectionneurs. A Paris, beaucoup de lieux culturels sont alors tenus ou créés par des femmes (cafés, maisons d’édition, académies et écoles d’art privées…). Les « Garçonnes » (titre du roman de Victor Marguerite, paru en 1922) entreprennent, s’habillent comme elles l’entendent, vivent une sexualité libre, changent d’identité

Composition abstraite, 1925, Marcelle Cahn / Eléments mécaniques, 1926, Franciska Clausen / Composition abstraite, 1927, Anna Beöthy-Steiner / Composition en blanc, rouge et gris, 1935, Marlow Moss

L’heure est à l’audace, au rejet des conventions. Beaucoup de femmes artistes vont se lancer dans l’abstraction, qui leur permet de se libérer des catégories de genre imposées par le figuratif. Beaucoup également gagnent leur autonomie financière en misant sur la pluridisciplinarité (mode, décoration, costumes, objets…), assurant ainsi l’indépendance de leur travail.

Vitrine Joséphine Baker, artiste et femme daffaires : merchandising, photos, bijoux…

Visionnaires

Affirmant la propriété de leur vie et de leur corps, les femmes artistes des années 1920 questionnent et redéfinissent le rôle des femmes dans la vie moderne. La société post-Première Guerre mondiale leur ouvre de nouveaux sujets tels le travail ou les loisirs féminins. Elles s’approprient le modèle sportif, autrefois thème masculin.

Elles réinvestissent également le regard porté sur la femme, en donnant à voir les inégalités sociales, en proposant d’autres visions de la maternité, fatigante, non idéalisée, mais aussi, en montrant la puissance féminine, au travers de mères autonomes ou autres figures  assumées.

Dans leurs œuvres, c’est également un autre regard sur le corps de la femme qui émerge. Leur vision, sans fard, sans paraître, s’éloigne du prisme désirant des hommes. Certaines représentent le regard amoureux d’une femme sur une autre femme. Les réflexions autour de la sexualité, du plaisir, des craintes et contraintes vécues par les femmes sont posées, sans détours. Les normes de genre sont remises en question. La femme est pensée au travers de la multiplicité de ses identités – femme, mère, fille, artiste, modèle, membre d’un couple…

Autre thème de prédilection des femmes artistes modernes : la diversité. Subissant elles-mêmes la mise à l’écart de la société et aspirant à prendre leur place en son centre, elles sont curieuses de découvrir et comprendre d’autres cultures. Un intérêt qui transparaît dans leur travail, tant dans des représentations de la diversité, loin des stéréotypes, que dans leur démarche d’exportation de la modernité sur d’autres continents.

Redécouvertes

Les femmes artistes établies à Paris dans les Années Folles y sont parfois restées. D’autres sont reparties vers leurs pays d’origine où elles ont été ambassadrices de la modernité. La crise de 1929, la Seconde Guerre mondiale et la montée des totalitarismes les réduiront de nouveau au silence, refermant la parenthèse des années 1920 où elles avaient fait entendre leur voix.

Au bord de la mer, 1922, Romaine Brooks

En proposant cette exposition, le Musée du Luxembourg n’a pas l’ambition d’être exhaustif, mais plutôt de redonner la juste valeur de l’apport de ces créatrices aux bouleversements artistiques modernes. Certaines des artistes présentées n’ont encore jamais été exposées en France.

Ponctué de frises thématiques, le parcours offre une vision panoramique, tant de la variété de leur travail, que des combats menés par les femmes de la décennie 1920-1930 et de l’effervescence générale de cette « Folle » société. Le visiteur appréciera la grande richesse des œuvres présentées et ressortira – positivement ! – étourdi, tant le contexte de bouillonnement créatif et sociétal est perceptible…

L’exposition « Pionnière – artistes dans le Paris des années folles » est à découvrir au Musée du Luxembourg jusqu’au 10 juillet. Un programme d’événements connexes (visites guidées, conférences, concerts…) est également à découvrir.

Informations et réservations : https://museeduluxembourg.fr/fr/agenda/evenement/pionnieres

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